« Pentagone français » : enquête pour corruption sur le chantier attribué à Bouygues

« Pentagone français » : enquête pour corruption sur le chantier attribué à Bouygues


Deux juges d’instruction enquêtent depuis février sur d’éventuels faits de corruption et trafic d’influence en marge de l’attribution du chantier du futur ministère de la défense à Paris, le projet du « Pentagone français » remporté en mai par Bouygues. C’est ce que révèle Le Canard enchaîné de mercredi 7 décembre, confirmé par une source judiciaire.

Le constructeur immobilier a, lui, fait savoir dans un communiqué « qu’à sa connaissance aucun fait délictueux n’a marqué le déroulement de cette consultation qui a été conduite avec beaucoup de rigueur ». « Bouygues Construction s’étonne des allégations figurant dans certains articles de presse, aucune mesure d’enquête ou d’instruction n’ayant été diligentée à son encontre, aucun de ses collaborateurs n’ayant fait l’objet d’une convocation, audition ou notification », précise le groupe.
Le géant français du BTP a été choisi en février par le gouvernement et a signé le contrat en mai pour réaliser ce chantier dans le quartier Balard, dans le 15e arrondissement de Paris, qui doit être achevé à l’été 2014.

FUITES SUR LE CAHIER DES CHARGES

Un renseignement anonyme transmis aux enquêteurs de la division nationale des investigations financières (DNIF) sur la procédure de passation du marché avait déclenché l’ouverture d’une enquête préliminaire en octobre 2010.

Après de premières investigations, le parquet de Paris a décidé en février d’ouvrir une information judiciaire pour « corruption active et passive », « trafic d’influence » et « atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics ».

Deux juges d’instruction ont été désignés pour mener l’enquête. Selon le Canard, un haut responsable du ministère de la défense est soupçonné d’avoir transmis à un cadre dirigeant de Bouygues le cahier des charges du marché avant que ses concurrents n’en prennent connaissance.

REDEVANCE ANNUELLE DE 100 À 150 MILLIONS D’EUROS

Ce document détaille les besoins et exigences du ministère pour la construction de son nouveau siège, et sa diffusion prématurée à l’un des candidats remet en cause la régularité de la compétition, note l’hebdomadaire.

Un intermédiaire, entrepreneur du BTP connu des enquêteurs pour d’autres affaires de corruption, aurait mis en relation les deux personnes et est particulièrement visé par l’enquête, selon la source judiciaire.
« Le groupe Bouygues n’est pas informé de cette procédure et ne souhaite pas faire de commentaires dans l’immédiat », a déclaré le groupe.

Le financement du contrat décroché par Bouygues en février doit se faire selon un contrat de partenariat public privé (PPP) d’une ampleur inédite pour une administration. L’Etat ne commencera à payer qu’en 2014, lorsque les nouveaux bâtiments seront livrés. Pendant vingt-sept ans, il devra alors débourser une redevance annuelle comprise entre 100 millions et 150 millions d’euros.

ENTRE 2,7 ET 4 MILLIARDS SUR VINGT-SEPT ANS

Cette redevance comprendra les coûts de construction, les frais financiers, l’entretien et la maintenance des bâtiments, les réseaux informatiques, les services divers comme le jardinage, la restauration, le nettoyage, le gardiennage.

Cette redevance annuelle est inférieure au coût actuel de fonctionnement de l’administration centrale, selon le ministère de la défense. Sur vingt-sept ans, cela représentera au total 2,7 milliards d’euros pour la fourchette basse (si la redevance est à 100 millions) et 4 milliards pour la fourchette haute (redevance à 150 millions).

Le permis de construire devait être déposé en juillet, en vue de son obtention à la fin de l’année. Les travaux pourraient alors commencer en janvier 2012. Les bâtiments devront être livrés à la fin de l’été 2014, afin que le déménagement des personnels soit terminé à la fin 2014.
Le regroupement à Balard permettra de vendre les sites parisiens – dont l’îlot Saint-Germain, mais pas l’hôtel de la Marine –, selon le ministère. Le produit des cessions, estimé à 600 millions d’euros, pourra aller aux programmes d’équipement de la défense.

Source : Le Monde

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