Ecotaxe : les dessous d’un contrat à 1 Md€




L’attribution à Ecomouv’ du contrat mettant en oeuvre l’écotaxe soulève des interrogations. Tout comme la gestion du dossier ces derniers mois. Révélations.


Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère), jeudi. L’écotaxe étant suspendue, l’un des portiques devant détecter les camions redevables de l’impôt est démonté. Le contrat passé entre l’Etat et Ecomouv’, un consortium privé chargé de mettre en place les infrastructures pour la collecte de la taxe contre rémunération, est critiqué. | (LP/Yann Foreix.)

Le contrat de partenariat public-privé qui a reconnu à Ecomouv’ la responsabilité de la collecte de la future écotaxe est sous le feu des critiques.

Des réserves dès 2009


Selon nos informations, la mission d’appui aux partenariats public-privé (PPP) avait, dans un rapport remis en février 2009 que nous avons pu consulter, relativisé l’intérêt d’un tel montage.
Selon ces experts, l’Etat aurait pu passer par un marché public car il aurait coûté moins cher (d’environ 250 M€). La mission émet cependant un avis favorable vis-à-vis du PPP car, théoriquement, plus rapide à mettre en œuvre et à abonder les caisses de l’Etat… Mais la mission alerte : « Il conviendra de vérifier […] avant la signature du contrat que les avantages attendus d’un tel choix ont bien été obtenus . » D’autant qu’« il s’agit d’une opération originale et complexe pour laquelle il n’existe pas de précédent ».

A droite, on souligne cependant qu’à l’époque ce projet avait obtenu l’aval de la quasi-unanimité des forces politiques, dont les socialistes. En outre, le recours au privé aurait été indispensable en raison de l’importance des investissements et du manque d’expertise de l’administration des douanes.

Des zones d’ombre dans le contrat signé avec Ecomouv’

On connaît les conditions très avantageuses accordées au consortium privé. Celui-ci, en effet, percevra 250 M€ (dont 20 millions de TVA), sur un rendement annuel de 1,2 Md€, soit près de 20%, contre 2% à 3% en moyenne pour des PPP.

Mais un autre élément est particulièrement troublant. Il semble que les délais de réalisation des travaux (mise en place des portiques, etc.), l’un des critères déterminants dans l’attribution de l’appel d’offres, aient été révisés en cours de procédure. Selon une source proche du dossier, Autostrade, tête du consortium Ecomouv’, se serait engagé à l’origine sur une durée de vingt-quatre mois contre vingt-deux mois pour son principal compétiteur, Alvia, réunissant notamment Siemens, la Sanef et Atos. Or, au final, Autostrade aurait remporté le contrat grâce à un délai révisé entre-temps à… vingt et un mois. Contacté hier, un des dirigeants d’Ecomouv’ n’a pas répondu à notre appel.

Autre élément surprenant : après avoir concouru seul, Autostrade, entreprise italienne détenue par le groupe Benetton, s’est ensuite adjoint comme partenaires plusieurs entreprises françaises dont l’Etat est actionnaire, la SNCF et Thales. « Une façon de franciser leur offre face à des concurrents comportant déjà des partenaires français », commente un expert. Devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi en 2011 par Alvia, un représentant de l’Etat n’a d’ailleurs pas contesté que « le groupement Ecomouv’ n’a pas présenté de candidature (sic) ».

Manque de transparence et soupçons de corruption

Plusieurs anomalies ont poussé le président de la Sanef à saisir, dès 2011, le service central de prévention de la corruption du ministère de la Justice. Parmi elles, les liens commerciaux existant entre Autostrade et Rapp Trans AG, une entreprise de conseil suisse, conseil technique de l’Etat français sur le dossier écotaxe. A l’époque, Autostrade aurait même travaillé avec la société Rapp pour un projet en Pologne. De fait, le tribunal administratif avait constaté que « l’impartialité des conseils de l’Etat n’est pas suffisamment établie », un constat repris par le Conseil d’Etat qui avait toutefois conclu que « le préjudice n’était pas de nature à justifier l’annulation de l’appel d’offres ».

Plus grave, le directeur général de la Sanef aurait été approché par un cabinet d’avocats pour monnayer ses services afin de « pousser » la candidature de la Sanef au PPP « écotaxe ». Cette démarche était-elle le fruit d’une initiative propre au cabinet d’avocats? Etait-elle, au contraire, téléguidée par un protagoniste de l’affaire? « Nul ne le sait, déclare un des acteurs du dossier. Tout cela est tordu. » Une enquête préliminaire a été confiée, en 2011, au parquet de Nanterre alors que Philippe Courroye était procureur. Elle est toujours en cours.




Source : Le Parisien

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