Selon Mediapart, l'écotaxe favorisera les sociétés privées d'autoroutes et pénalisera les transporteurs locaux



Un "contrat insensé" souscrit "au détriment des intérêts de l'État". C'est en ces termes que le site d'information Mediapart a qualifié le contrat signé entre l'Etat et la société Ecomouv dans le cadre du partenariat public-privé pour la mise en place et la gestion de l'écotaxe poids lourd.

Dans un article très fouillé, indiquant de manière chronologique les péripéties de l'appel d'offre, Mediapart rappelle les clauses avantageuses du contrat (18 millions d'euros de loyer versés par l'Etat, 800 millions d'euros en cas d'annulation de l'écotaxe) sans que la société n'ait eu de contreparties alors que les retards dans la mise en place du système est manifeste.


"Ne pas inclure les autoroutes, c'est donner une super-prime au privé"
Au-delà de cet aspect juridique, le site d'information souligne surtout que l'écotaxe n'a d'écologique que le nom : "Lorsque le Conseil d'État approuve le 27 juillet 2011 le schéma futur de taxation du réseau routier soumis à l'écotaxe, il y a une première surprise : les autoroutes, principaux points de transit de tous les transports internationaux, n'y figurent pas. Motif avancé par les intéressés : les camions paieraient déjà la taxe au travers des péages. Dans les faits, ils ne paient rien du tout", explique Mediapart. Oui, car si les camions paient bien les péages, les sociétés d'autoroutes privées ne reversent aucune compensation écologique à l'Etat. En clair, avec l'écotaxe, les routes nationales et départementales jusqu'ici gratuites, vont devenir payantes pour les poids lourd qui pourraient, quitte à payer un péage, se rabattre sur les autoroutes privées pour gagner du temps. Conclusion : "Ne pas inclure les autoroutes, c'est donner une super-prime au privé. Tout est fait pour créer un effet d'aubaine et ramener du trafic sur les autoroutes privées, au détriment de l'État et des principes écologiques", assure un responsable de "Solidaires douanes".

France-Italie : aucun portique

Autre anomalie : le choix des routes taxées. "La Bretagne, qui n'a aucune autoroute payante, se voit imposer une taxation sur l'essentiel de son réseau routier, explique Mediapart. En revanche, toutes les routes nationales empruntées par les camions entre la France et l'Italie, et qui sont un cauchemar pour certains villages, n'ont aucun portique de taxation". D'après un conseiller logistique, c'est un "scandale absolu" : "Cette taxe qui devait servir à limiter les transports internationaux, réduire les nuisances, a été conçue et détournée de telle sorte qu'elle va en fait être payée par les seuls transporteurs locaux, tandis qu'une partie des transports internationaux en seront exemptés".

On comprend mieux les manifestations en Bretagne. Reste à savoir comment le gouvernement pourra sortir de cette impasse. Si le gouvernement annule cette taxe, il en coûtera 800 millions d'euros. Si le gouvernement décide de maintenir cette taxe mais négocie pendant plusieurs mois avec les transporteurs routiers, il en coûtera 83 millions d'euros aux finances publiques pour chaque mois de retard. "Insensé", comme l'écrit Mediapart.


Source : politique.net

- Martine Orange, "Le contrat insensé de l'écotaxe", Mediapart, 31.10.2013

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