BNP Paribas est poursuivie pour blanchiment à Monaco


BNP Paribas est poursuivie pour blanchiment à Monaco

EXCLUSIF Un juge d'instruction monégasque va enquêter sur un circuit financier suspect de chèques provenant d’une vingtaine de pays africains.

Le procureur général de Monaco, Jean-Pierre Dréno a ouvert, ce mercredi 19 février, une information judiciaire pour "blanchiment et complicité de blanchiment" visant BNP Paribas Wealth Management, la filiale monégasque du groupe bancaire. Le magistrat nous a confirmé qu’un juge d’instruction sera désigné "aujourd’hui ou demain" par le président du Tribunal de la Principauté. La banque est mise en cause pour un circuit financier suspect de chèques  en provenance d’une vingtaine de pays africains, notamment de Madagascar, du Gabon et du Sénégal.

En novembre dernier, l’ONG Sherpa avait porté plainte à Paris contre la filiale monégasque de la banque française pour "escroquerie aggravée en bande organisée, recel d’escroquerie, recel de fraude fiscale et blanchiment aggravé". L’association cherchait ainsi à faire pression sur la justice monégasque, qu’elle avait alertée dès avril 2013, pour qu’elle nomme un juge d’instruction. C’est chose faite.
Des chèques en blanc revendus 

Pendant six mois, les enquêteurs monégasques ont procédé à des vérifications des pratiques de la banque, dénoncées par un salarié, qui a été licencié. En interne, le système était parfois qualifié de "lessiveuse africaine": ce trafic de chèques nécessitait la collaboration de touristes, voyageant en Afrique, qui réglaient leurs achats ou leurs nuits d’hôtels en chèques libellés en euros, en laissant le nom du bénéficiaire en blanc. Les chèques étaient ensuite revendus à des Africains détenant un compte à BNP Paribas Monaco.

Une façon de sortir illégalement des devises de ces pays, souvent soumis au contrôle des changes, ou de cacher des revenus au fisc. Ces pratiques sont dénoncées dans un rapport interne de l’Inspection Générale de BNP Paribas, que Challenges s’est procuré. "La mission a relevé un nombre important de remises de chèques en provenance de pays africains. Ces remises sont liées à des comptes commerciaux caractérisés par un nombre élevé de transactions alors que les actifs sous gestion sont quant à eux faibles. Le fonctionnement de ces comptes correspond à des risques élevés pour la banque" écrivent sobrement les inspecteurs.

La réponse de BNP Paribas

Officiellement, BNP Paribas affirme avoir identifié et corrigé très rapidement ces dysfonctionnements. "Ces comptes de clients de différents pays africains (notamment de Madagascar) étaient liés à une activité commerciale réelle (hôteliers, commerçants,..) et pouvaient recevoir des remises de chèques pour faciliter les achats sur place de touristes ou d’expatriés français ne disposant pas de compte dans les banques locales, indique la banque du Boulevard des Italiens. Cette problématique a donné lieu à une mission d'inspection interne et à un plan d'actions correctif en 2011. Suite à cela, il a été mis fin aux pratiques concernées en 2011 et 2012. A ce jour tous les flux ont été stoppés et les comptes concernés sont clos ou en cours de clôture". 

En tout cas, en décidant de poursuivre la filiale de BNP Paribas, la justice monégasque veut aussi faire taire les accusations de laxisme, lancées par les ONG anti-corruption. "Contrairement à ce que beaucoup peuvent dire, la justice monégasque est extrêmement sévère face à la délinquance financière. Nous avons saisi 300 millions d’avoirs criminels depuis 2007. Et nous répondons à toutes les demandes d’entraide judiciaire internationale", martèle Jean-Pierre Dréno. Pour le procureur général, un magistrat français détaché sur le Rocher, l’argent sale n’a plus sa place dans la Principauté. 

Source : challenges.fr

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