Ukraine: le gaz russe peut faire exploser le pays dès demain



UKRAINE - Si la pression militaire sur l'Ukraine n'a jamais été aussi forte, ne croyez pas que les canons sont la meilleure arme de Moscou. Derrière la montée en puissance du problème de la Crimée, région ukrainienne pro-russe, le gaz fait figure d’épouvantail dans la résolution de la crise. Fortement dépendante de l'énergie russe, Kiev peut s'écrouler à tout moment si Moscou décide d'augmenter ses tarifs du gaz. Un dossier brûlant qui pourrait prendre un nouveau tour, car le géant Gazprom a la possibilité de renégocier son contrat avec l'Ukrainien Naftogaz dès le 1er mars.


En vertu de l'accord qui régit l'approvisionnement de l'Ukraine en gaz russe, les deux entreprises doivent signer un nouveau contrat à chaque trimestre. Forcément, quand les relations entre les deux pays sont au beau fixe, les tarifs le sont tout autant. Le dernier accord signé en décembre a acté la livraison de 1000 mètres cube pour 268,5 dollars. Un montant ultra-compétitif, en comparaison des 400 dollars constatés sur le marché au moment des négociations.

Des tarifs négociés selon la chaleur des relations

Ce "geste" de Gazprom, bras armé de Moscou dans l'énergie, s'expliquait pour une seule raison: l'ex-président Ianoukovitch venait de rompre l'accord de libre-échange avec l'Europe et renforçait sa coopération avec Moscou. Aujourd'hui, le nouveau gouvernement par intérim se tourne vers Bruxelles, ce qui laisse craindre une nouvelle pression sur les approvisionnements en gaz.
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La Russie fournit l'essentiel du gaz consommé en Ukraine, premier pays importateur de gaz russe, et a souvent été accusée de se servir de la dépendance de son voisin comme moyen de pression politique. Certains secteurs de l'industrie ukrainienne (métallurgie, engrais) sont intégralement dépendants aux exportations russes. Ce qui rajoute à la psychose, c'est que Kiev est aussi un mauvais payeur.

L'Ukraine doit aujourd'hui près de 4 milliards de dollars à Gazprom. À l'agonie, l'Etat doit également trouver 35 milliards pour financer sa dette sur les deux prochaines années. De quoi laisser craindre une troisième "guerre du gaz".

En janvier 2006, puis début 2009, Gazprom avait décidé de couper -sur ordre du Kremlin- l'approvisionnement de l'Ukraine par où transitaient 90% du gaz russe vers le Vieux Continent. Les Russes voulaient accélérer le règlement d'un contentieux commercial (prix du gaz, dette…) bien réel. Mais aussi punir les Ukrainiens de leurs velléités de rapprochement avec l'UE. Problème: plusieurs pays d'Europe centrale et orientale avaient été privés de gaz. Si aujourd'hui la position de l'Ukraine est tout aussi importante dans le transit du gaz vers l'Ouest, son ratio est tombé à 60%. Du coup, les voisins abordent plus sereinement une nouvelle crise du gaz.

L'Ukraine peut moins prendre l'Europe en otage

À la différence des crises précédentes, la Russie a aujourd'hui encore plus de liberté pour mettre la pression sur son voisin. Elle dispose d'un maillage plus important en Europe, permettant d'assécher l'Ukraine sans compromettre l'approvisionnement des autres pays du continent.

Gazprom a construit, en collaboration avec les compagnies allemandes E.ON et BASF et du Français GDF Suez, un double pipeline géant dans la mer Baltique. Baptisé Nord Stream, ce dispositif permet de drainer 55 milliards de mètres cube chaque année, directement de la Russie vers l'Allemagne. Même si cette dernière est aussi très dépendante du gaz russe, elle n'est pas une cliente que Gazprom peut priver en énergie... Le Nord Stream est d'ailleurs dirigé par un consortium avec à sa tête Gerhard Schröder, l'ancien Chancelier (1999-2005).

Au sud, Gazprom verra prochainement entrer en fonction le South Stream, qui sera chargé de passer par la Bulgarie, Serbie, Hongrie, Italie. De quoi assurer un transit permanent vers l'Europe centrale. Du coup, les voisins de l'Ukraine ne risquent pas de manquer de gaz en hiver... Selon Alexandre Razouvaev, directeur du département analytique de la compagnie Alpari, "Gazprom est aujourd’hui bien moins dépendant du transit ukrainien que par le passé. Ces quelques dernières années plusieurs itinéraires alternatifs ont été créés: c’est l’acquisition de BelTransGaz, c’est-à-dire le transit par la Biélorussie. C’est aussi Nord Stream. Il ne faut pas non plus oublier le gazoduc qui relie la Russie à la Turquie par la mer Noire".



Alternatives très hypothétiques pour se passer de la Russie

Tout comme la Russie qui cherche à s'affranchir de l'Ukraine pour son transit, Kiev essaye de multiplier ses sources d'approvisionnement. Fin 2013, l'ancien Premier ministre Mykola Azarov avait souligné que l'Ukraine avait diminué ses importations de gaz russe de 40% depuis 2010. À terme, rajoutait-il, son pays pourrait même s'en passer. Il a ajouté que le gouvernement avait accompli un travail "énorme" sur l'extraction de gaz domestique.

De nombreux contrats ont été conclus, notamment avec Shell et ExxonMobil qui a obtenu un permis d'extraction de gaz naturel sur le plateau de la mer Noire. Le gouvernement a également autorisé l'Américain Chevron à commencer des recherches d'exploration en gaz de schiste. Un gisement conséquent aurait été repéré à Oleski, dans l'Ouest du pays, selon l'ancienne présidence.

Les experts sont cependant très prudents sur le potentiel réel des gisements de gaz de schiste en Europe de l'Est, plusieurs campagnes d'exploration s'étant soldées par des échecs. La nature des sols y est en effet moins favorable à la production qu'aux Etats-Unis. Les projets se heurtent en outre à l'hostilité d'une partie de la population, inquiète des conséquences environnementales. Des centaines de personnes avaient ainsi manifesté en octobre à Lviv, la principale ville de l'Ouest de l'Ukraine, pour protester contre le projet de Chevron.

RÉSERVES DE GAZ DE SCHISTE EN EUROPE


RÉSERVES DE GAZ DE SCHISTE EN EUROPE

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En vert: bassin potentiel de gaz de schiste pour lequel des données sont disponibles. En bleu: bassin potentiel de gaz de schiste pour lequel aucune donnée précise n’est disponible. Source: Estimation de l’EIA (Energy Information Administration) sur la base de plusieurs études.

La flambée des cours ne devrait pas s'arrêter


(Le pic correspond aux combats dans la capitale, suivi par une importante détente liée à la nomination d'un nouveau gouvernement. On reste néanmoins dans une fourchette très haute)
Forcément, c'est la question que l'on se pose en regardant l'évolution des cours sur les derniers mois. Depuis le début de la crise ukrainienne, le gaz naturel s'est apprécié de 30% sur les marchés. Que doit-on attendre pour la suite? "Je pense qu’il y a très peu de chance de voir les prix du gaz naturel repartir à la baisse", explique Alexandre Baradez, analyste chez IG Markets. "Le rebond des cours avait débuté au premier semestre 2012, donc bien avant que n’éclate la crise ukrainienne. Celle-ci a catalysé la hausse des cours sur les dernières semaines".


Pour ce spécialiste, "cette tendance pourrait encore se poursuivre sachant que l’Ukraine occupe une place stratégique dans l’approvisionnement de l’Europe et que la part de consommation du gaz russe dans la consommation totale est toujours importante". Au final, "la combinaison des tensions géopolitiques à court terme et l’amélioration des fondamentaux économiques mondiaux à moyen terme rendent peu probable une baisse des prix du gaz dans les mois à venir".

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