Le marché des changes est-il manipulé?


Une enquête pénale a été ouverte lundi 21 juillet au Royaume-Uni sur des soupçons de manipulation du marché des changes, une affaire qui pourrait déboucher sur un nouveau scandale explosif pour les banques et la City.

"Le directeur du Serious Fraud Office a ouvert aujourd'hui une enquête pénale portant sur les allégations de conduite frauduleuse sur le marché des changes", a indiqué dans un bref communiqué le SFO, l'office de lutte contre la grande délinquance financière.

L'Autorité de conduite financière (FCA) britannique avait déjà lancé l'an dernier une enquête réglementaire au Royaume-Uni sur l'énorme marché des devises. Les investigations se sont depuis étendues à d'autres pays, comme la Suisse, l'Allemagne et les États-Unis.

Le SFO avait jusqu'à présent indiqué examiner "des données complexes" dans ce dossier avant de décider s'il lançait à son tour une enquête, sur le plan pénal cette fois-ci.

Plusieurs grands établissements ont suspendu des cambistes dans le cadre de cette affaire de manipulation présumée. Des enquêtes visent les grandes banques du secteur comme les américaines Citigroup et JPMorgan, la suisse UBS, l'allemande Deutsche Bank ou les britanniques Barclays et Royal Bank of Scotland (RBS).

Les enquêteurs soupçonnent une entente illicite entre des cambistes, qui auraient utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour se concerter afin d'influencer en leur faveur le taux de référence quotidien WM/Reuters.

Un marché gigantesque

Le marché des changes représente 5.300 milliards de dollars de transactions par jour. La moindre manipulation a ainsi potentiellement d'énormes répercussions - par exemple sur les fonds de pension.
Ces affaire fait ainsi écho à celle du Libor, qui avait éclaté en 2012 et mis en lumière les manipulations pratiquées sur les taux interbancaires par certains banquiers, avec un sentiment d'impunité totale.

Le scandale avait été immense et conduit à la décapitation de Barclays et à de lourdes amendes pour plusieurs grandes banques européennes. Plusieurs personnes ont également été inculpées au Royaume-Uni dans le volet pénal du dossier.

Or, l'affaire des changes pourrait être "aussi grave que le Libor, si ce n'est plus", avait prévenu il y a quelques mois le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney.

La banque centrale, soupçonnée d'avoir fermé les yeux sur les pratiques illégales de certains cambistes, a d'ailleurs chargé en mars un avocat réputé de mener une enquête interne pour s'assurer qu'elle n'avait elle- même rien à se reprocher dans ce dossier.

Londres plaque tournante

Le gouvernement britannique a de son côté commencé à sévir pour préserver la réputation d'un marché vital pour la place de Londres - qui abrite un peu plus de 40% des échanges de devises, loin devant les États-Unis, Singapour, le Japon et Hong-Kong.

Le ministre des Finances George Osborne a ainsi annoncé en juin l'extension aux marchés des changes (ainsi qu'à ceux des matières premières ou des instruments financiers à taux fixe) des sanctions pénales rendues possibles dans le cadre des nouvelles règles adoptées pour le Libor. Elle prévoient notamment des peines d'emprisonnement pour les fautifs.

"L'intégrité de la City est importante pour l'économie britannique. Les marchés fixent ici les taux d'intérêt des prêts immobiliers des gens, les taux de changes de nos exportations et de nos vacances et les prix des matières premières pour les biens que nous achetons", a souligné George Osborne.

Mais les scandales continuent pourtant de se succéder à Londres. Barclays a ainsi été condamnée en mai à 32 millions d'euros d'amendes au Royaume-Uni pour des manquements sur le marché de l'or, dont le fonctionnement a attiré les soupçons de plusieurs régulateurs.

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