Carlos Castaneda : Le Fondement Du Chemin Du Guerrier


Un nagual est une personne avec une double configuration énergétique. Il y eut vingt-sept naguals dans la lignée de don Juan. Don Juan appelait cela « sorcellerie ». Je pense que je peux le nommer autrement. Peut-être nagualisme ?

Don Juan enseignait un moyen de briser le conditionnement psychologique de la division cognitive qui nous maintient coupés de nos ressources. Le monde, tel que nous le percevons, a été formé par un a priori. Il nous a été donné.

La chose la plus importante qu’ait dit don Juan est que toute notre énergie est engagée dans la défense du moi. Tous nos efforts vont dans ce sens. Nous avons été entraînés à défendre notre concept du moi depuis si longtemps que nous ne le remarquons même plus.

Il est temps de commencer à nous découvrir nous-même. En commençant par récapituler notre vie. Chaque action, chaque événement, pour trouver « la charnière » qui imprègne notre vie. Notre charnière est la façon dont nous nous comportons avec les gens.  

Lorsque j’ai commencé à récapituler, j’ai découvert que je me comportais dans le monde comme un bébé. Je me sentais désolé pour moi-même. Ma vie entière n’était rien d’autre que cette répétition sans fin. Quand don Juan m’a fait récapituler ma vie, j’ai vu comment je perdais mon temps à défendre cette position. Ce fut une prise de conscience horrible. Tout ce que je voulais c’était trouver quelqu’un pour écouter ma triste histoire, et me sentir désolé pour moi-même. 

Cette idée de l’importance personnelle est si accaparante que nous ne pouvons rien voir d’autre, mais il est possible de s’en écarter.

Une autre façon de rester attachés est de croire que nous nous réaliserons en trouvant un compagnon. Nous pouvons même être marié et continuer à chercher quelqu’un qui pourrait répondre à notre besoin. « Ce n’est que ma femme ».

Nous ne voulons pas donner, nous sommes incroyablement égoïstes, nous ne voulons que recevoir. Les guerriers, les voyants, les naguals, aiment sans rien demander en retour, dans ce monde ou au-delà.

Nous ne remarquons pas cette importance personnelle qui dirige notre existence. Si nous le faisons, nous ne ferions pas ce que nous faisons à notre corps.

L’idée du moi n’est pas la nôtre, il est temps de s’en défaire. Don Juan nous a donné une série de prémisses afin que nous puissions commencer à voir ce qui nous était arrivé, ce qu’ils nous avaient fait. Pas pour faire des comparaisons, mais plutôt pour que cette idée soit investiguée.

Une fois, j’ai travaillé pour un  psychiatre en tant qu’assistant de recherche, mon travail consistait à retranscrire des cassettes audio d’histoires de patients. Il avait 3000 cassettes. Don Juan avait l’habitude de me demander quelle était ma singularité. Il n’y avait rien d’unique à mon propos. Il y avait 3.000 personnes différentes sur ces cassettes, et elles étaient toutes moi. Il n’y a rien d’unique, mais il y a quelque chose de magique à notre propos, nous allons tous mourir. Don Juan m’a tiré de l’ordre social, et j’ai pu voir qu’ils se fichaient que je vive ou que je meurs. Cela nous détruit. Pourquoi adhérons-nous à cet absurde ordre social qui ne nous conduit qu’à notre destruction ?

Il n’y a besoin que d’affection, d’amour.

Si vous examinez l’ordre social à travers votre histoire, vous verrez qu’il ne mène nulle part. N'observez pas l’ordre social pour faire des comparaisons, mais pour en faire l’examen. Une prise de conscience complète de ce qu’est l’ordre social nous permet de voir qu’il n’a aucun sens ni aucun but. Pensons-nous que c’est l’argent ou ce genre de choses qui ont de la valeur ? Ou bien est-ce l’impératif biologique ?

La récapitulation est un moyen d’attaquer l’importance personnelle. Nous récupérons de l’énergie en faisant un examen impartial et en revivant notre merde, notre importance personnelle.

Les drogues récréatives, l’ecstasy, le San Pedro ? Saint Pierre ! Ça n’a aucun sens. La drogue nous empêche de tenir la pression. Don Juan utilisait les plantes pour me guérir, et pour entraîner mon attention parce que je n’avais pas une once d’attention. 

Au lieu d’utiliser des drogues pour trouver la magie dans la vie, il existe quelque chose de bien mieux : la discipline. C’est la seule façon de nous sortir du piège de l’ordre social. Avec la discipline, nous pouvons faire des merveilles. Le guerrier qui est conscient de sa mort, est conscient du piège de l’ordre social, il est conscient du piège de l’importance personnelle, il est conscient du piège de la raison, tout ce qu’il veut c’est la liberté. La liberté est un saut dans l’inconcevable.

La discipline n’est pas catholique, elle est fluide, c’est la joie qui circule librement et qui provient de 25 heures de conscience.

Il y a des modèles basics de responsabilité pour un guerrier : Ne posez pas de questions stupides. Ne dites pas : « Je ne comprends pas » ou « Peux-tu m'expliquer pourquoi ». Il n’y a pas d’explication rationnelle. Si vous voulez savoir vous devez essayer – l’expérimenter.

1. Acceptez que vous allez mourir. La mort n’est pas négociable, tout ce qui vit meurt. Saisissez cette idée et assumez la responsabilité que vous allez mourir. L’énoncer à haute voix est la force primordiale qui obéit à notre appel et nous ne l’utilisons jamais. Dites-le à voix haute, « Je veux être responsable du fait que je vais mourir ». Cela doit être dit à voix haute, vous ne pouvez pas juste le penser. Le pouvoir n’est pas un lecteur du mental. En progressant il y aura un ajustement. Faites de vos mots quelque chose de final. Un guerrier a la force de tenir sa parole. Dévouez-vous à quelque chose une fois dans votre vie, même si c’est votre mort. Un guerrier meurt pour sa parole. Dire quelque chose à voix haute est magique et mystérieux, mais c’est subtil. Une énonciation claire et forte de votre intention est le secret des secrets. Faites-le. Cherchez dans les endroits inconnus. Assumez la responsabilité de faire face à l’extrême. Ça ne faiblit pas, ça ne répond pas aux implorations – ça vous pissera dessus. Ça s’en fout. Avec seulement cette première prémisse, vous pouvez avoir une expérience stupéfiante. Nous n’avons jamais été capable d’expliquer juste avec des mots. Nous devrions utilisez le terme index. Nous portons les mots en nous. Si la réponse est construite, nous l’acceptons. Un guerrier doit s’arrêter exactement à cet endroit.

2. Le plus important pour un guerrier est d’énoncer à voix haute sa responsabilité de percevoir. Nous n’avons aucun but, rien à espérer de mieux que d’être sénile. Tout est possible. Nous sommes déjà des magiciens. Allez tout au bout, au niveau le plus bas et formulez-le au monde qui est là. La mort est au bout. Je suis un être humain alors je suis sublime. Exprimez votre intention à voix haute d’être quelqu’un d’autre pour vous guérir. Quand j’étais malade, je sautais. Je faisais ce que don Juan me disait de faire. La maladie c’est de la complaisance. J’adorais ma souffrance. Vous changez de sillon en exprimant votre intention à haute voix. Puis vient le Manteau de Confiance. La timidité et la maladresse sont nos ennemis. Ce n’est pas raisonnable de croire que les ailes sont la seule façon de voler. Il y a d’autres options. Cherchez-les. Interrogez l'être qui va mourir, interrogez le miroir, et quelque chose se produira.

3. Le troisième item pour un guerrier est de ne pas être endetté. Avec qui me suis-je endetté ? Devenez  responsable de ce qui vous a été donné. Faites l’acquisition d’un nouvel équipement. En recevant un enseignement, vous en devenez responsable. Vous êtes endetté pour le reste de votre vie. Seulement quelque chose d’extérieur pourra annuler cela. Vous êtes responsable pour avoir vu ce qui nous soutient. En payant, vous devenez libre, si vous refusez, vous vous empêtrez. Un être qui va mourir assume ses responsabilités. Sans responsabilité nous sommes juste des egomaniaques.

La pisse c’est pour Baba. Il suffit de dire que tout ce qui vient de Baba est sacré.


Durant les prochaines conférences, je parlerai de rêver, puis de traquer et enfin je parlerai de l’homme éthérique. Je ne vais rien garder pour moi. Je vous parle en tant que témoin – j’ai été là-bas, j’ai vu des choses incroyables. Ce sont comme des larmes dans la pluie.

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