DES SUPERORDINATEURS QUI VIVENT ET RESPIRENT ?!


Un superordinateur de la taille d’un livre? Pourquoi pas? Selon une équipe multinationale de chercheurs dirigés par le professeur Dan Nicolau, directeur du Département de génie biomédical de l’Université McGill à Montréal au Canada, la substance qui fournit de l’énergie à toutes nos cellules, l’adénosine triphosphate (ATP), pourrait également alimenter la prochaine génération de superordinateurs.


Leurs travaux ont fait l’objet d’un article publié la semaine dernière dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), dans lequel ils décrivent le modèle d’ordiateur biologique qu’ils ont créé et qui est doté de propriétés lui permettant de traiter l’information très rapidement et avec une grande exactitude au moyen de réseaux parallèles, à la manière des superordinateurs électroniques les plus volumineux.

Or, le modèle qu’ils ont mis au point est beaucoup plus petit que les superordinateurs actuels, consomme beaucoup moins d’énergie, et utilise les protéines qui se trouvent dans toutes les cellules vivantes.

Des gribouillis sur le dos d’une enveloppe

« Nous avons réussi à mettre au point un réseau très complexe, mais très petit », affirme en riant Dan Nicolau père. Il a commencé à explorer cette idée avec son fils Dan il y a plus d’une décennie avant que des collègues d’Allemagne, de Suède et des Pays‑Bas se joignent à eux il y a environ 7 ans. « Le projet a d’abord pris la forme de dessins gribouillés au dos d’une enveloppe et qui représentaient de petites créatures explorant des labyrinthes. Je pense qu’on avait pris un peu trop de rhum… »

Le modèle de superordinateur biologique mis au point par le duo père-fils et collègues a vu le jour grâce à la modélisation géométrique et au savoir-faire en génie (à l’échelle nanométrique). Il s’agit d’une première étape visant à démontrer que ce type de superordinateur biologique peut vraiment fonctionner.

Le circuit mis au point par les chercheurs ressemble un peu au plan d’une ville animée et très organisée vu du haut des airs. Comme ils le feraient dans une ville, des voitures et des camions de différentes tailles propulsés par divers types de moteurs se déplacent sur des chemins créés pour eux et consomment le carburant dont ils ont besoin pour continuer d’avancer.

Informatique durable

Dans le cas de l’ordinateur biologique, la ville est en fait une puce d’environ 1,5 cm carré dans laquelle des chemins ont été gravés. Toutefois, les électrons n’y sont pas propulsés par une charge électrique comme dans une micropuce ordinaire. Ce sont plutôt de courts brins de protéines (que les chercheurs appellent « agents biologiques ») qui se déplacent de façon contrôlée sur le circuit, leurs mouvements étant activés par l’ATP, le composé chimique qui constitue, d’une certaine façon, le suc de la vie pour toutes choses, de la plante qui orne votre jardin à l’abeille qui la butine.

Alimenté par des agents biologiques, le modèle de superordinateur biologique conçu par les chercheurs dégage peu de chaleur et, par conséquent, consomme beaucoup moins d’énergie que les superordinateurs électroniques ordinaires, ce qui en fait un appareil plus durable. Les superordinateurs traditionnels utilisent tellement d’énergie qu’ils dégagent beaucoup de chaleur et doivent ensuite être refroidis; c’est pourquoi ils ont souvent besoin de leur propre centrale électrique pour fonctionner.

Du modèle à la réalité

Si le modèle de superordinateur biologique a été en mesure de résoudre très efficacement un problème mathématique classique et complexe en ayant recours au traitement parallèle, comme le font les superordinateurs ordinaires, les chercheurs reconnaissent qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour que ce modèle devienne un ordinateur véritablement fonctionnel.

« Ce modèle nous permettant maintenant de résoudre un problème avec succès, de nombreux chercheurs seront tentés d’emboîter le pas, en utilisant notamment d’autres agents biologiques », affirme le professeur Nicolau. « Il est difficile de savoir à quel moment les scientifiques parviendront à concevoir un superordinateur biologique pleinement fonctionnel. L’une des solutions qui pourraient nous permettre de résoudre des problèmes beaucoup plus complexes serait de combiner notre appareil avec un ordinateur traditionnel afin de créer un dispositif hybride. Nous examinons maintenant différentes façons de pousser la recherche encore plus loin. »

Ce qui relevait de la science-fiction est maintenant de la science à l’état pur.

Pour lire la version intégrale de l’article « Parallel computation with molecular-motor-propelled agents in nanofabricated networks », par Dan Nicolau fils et coll., publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), visitez le 


Cette étude a été financée par : le 7e programme-cadre de l’Union européenne; la Defense Advanced Research Projects Agency; NanoLund; la Fondation Miller; le Swedish Research Council; la Fondation Carl Trygger, fondation de recherche allemande au sein du Cluster of Excellence Center for Advancing Electronics Dresden et du Heisenberg Program; et par l’Université Linnæus.



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